dimanche 20 février 2011

105e anniversaire de la naissance de Frédéric Curie

Le 20 février 1906 Frédéric Curie naissait à Etupes dans une maison (ironie de l'Histoire) de l'actuelle rue de la Libération. Ses parents Louis et Marie Anna sont agriculteurs.

A la date du jeudi 20 février 1941 des cahiers de prisonnier, voici ce qu'il écrit : " Aujourd'hui à 8 h du matin ou du soir (je ne me souviens plus) j'aurai 35 ans. Triste anniversaire (...) D'ici, je ne vois plus comme on vit dehors. Pour certaines choses, il est avantageux de rester dans l'ignorance. Au début de l'occupation, il fallait que tout le monde soit rentré pour 10 h ou 10 h 1/2 et tu aurais vu comme les gens rasaient les murs en courant à cette heure-là, plus aucune voiture ne circulait et on entendait les galopades sur les trottoirs. Les deux premiers jours une voiture passait avec un haut-parleur, interdisant toute sortie, même dans la journée. Pendant 48 h, tout le monde chez soi. Je n'ai vu, pendant ces jours-là, qu'un bonhomme avec un pain long dans la rue du Vieux-Colombier, je me demande d'où venait le pain. Puissions nous revoir bientôt Paris avec ses lumières. Il y a des lames qui n'ont pas fonctionné depuis longtemps. Ce sera un peu pour elle une libération de briller à nouveau. Et les tubes au néon. Revoir les Boulevards, les vrais, comme il y a deux ans. Je voudrais bien faire un tour à Lyon ou Marseille pour voir un éclairage normal".

Frédéric Curie a laissé un autre témoignage, daté cette fois du vendredi 20 février 1942 dans son "Cahier d'un exilé".

A la date de son anniversaire, il note : "18 h 45, un autobus vient de passer, j'étais debout et le regardais passer par la fenêtre du bureau, un employé lui aussi (compartiment de 1ere) près de la vitre baillait ou en donnait l'impression. J'allais en faire la remarque au moment où je me surpris la bouche ouverte en train d'enfaire autant. Il y a 36 ans, on ne savait pas encore si je serais fille ou garçon, on allait pas tarder à le savoir, à 20 h je crois. Si ...! je ne serais sans doute pas à Vitry. Toute une vie se trouve quelque fois modifiée par un incident quelconque. C'est une suite de causes et d'effets qui deviennent causes eux-mêmes, une unité qui avance à 18 h dans les couloirs du métro, qui a une volonté mais qui subit aussi les poussées de son entourage. Nul n'est complètement responsable (...) Si... la pierre ne s'était pas trouvée sous la roue de l'autobus, elle n'aurait pas été projetée, l'homme n'aurait pas eu un oeil crevé, il pourrait encore gagner sa vie, élever son fils qui pourrait être docteur ou dictateur et qui ne sera jamais qu'un terrassier. Si..."

samedi 19 février 2011

Cahiers de prisonnier – 19 février 1941

Mercredi - « Je viens de lire deux articles de L’Illustration. Quelques choses que tout le monde connaît enveloppées dans un fatras de bêtises, c’est à croire que tout le monde a perdu son bon sens. Deux paragraphes dans la même page arrivent à se contredire complètement. Il y a en particulier un type qui signe Jacques de Lesdain qui m’a l’air d’un fameux crétin. Inconnu d’hier, il pontifie aujourd’hui ».

Cahiers de prisonnier – 19 février 1941

Mercredi - « Je viens de lire deux articles de L’Illustration. Quelques choses que tout le monde connaît enveloppées dans un fatras de bêtises, c’est à croire que tout le monde a perdu son bon sens. Deux paragraphes dans la même page arrivent à se contredire complètement. Il y a en particulier un type qui signe Jacques de Lesdain qui m’a l’air d’un fameux crétin. Inconnu d’hier, il pontifie aujourd’hui ».

vendredi 18 février 2011

Cahiers de prisonnier – 18 février 1941

Mardi - « Je ne sais pas ce que font les Allemands, mais depuis deux ou trois jours on les entend tirer au FM, ils doivent avoir installé un champ de tir derrière la prison et se servent de fusils mitrailleurs français, je les reconnais au bruit et à la cadence. L’autre jour, c’étaient sûrement des rafales de mitraillette. Cela fait mal au cœur de les entendre. Il est vrai qu’ils pouvaient en dire autant quand ils nous entendaient tirer en Rhénanie. Pourquoi ne pas rester chacun chez soi ou alors faire une fédération européenne, un grand chez soi dans lequel tout le monde vivra en paix et où il n’y aura plus que les voleurs dans les prisons ».

Dans le cahier d’un exilé à la date du mercredi 18 février 1942 (il parle de juin juillet 1940) : « (…) pas plus qu’elle ne connaîtra l’immense désarroi et la lassitude que ceux qui sont restés ont éprouvés, le besoin de se serrer les coudes, de se secourir mutuellement qu’ont ressenti les Français bloqués à Paris. C’est d’ailleurs inutile que les souffrances s’ajoutent, mais pour comprendre certaines réactions, il faut avoir vécu les moments qui les ont provoquées ».

jeudi 17 février 2011

Cahiers de prisonnier – 17 février 1941

Lundi - « C’est le 23 août 1940 au soir que j’ai su pour la première fois ce qu’était la prison ».

mercredi 16 février 2011

Cahiers de prisonnier – 16 février 1941

Dimanche - « C’est facile pour ceux qui sont dehors de parler de 6 mois ou d’un an. Ici, on compte les heures quoique je fasse un effort pour ne pas les compter. Je souffre et j’en suis fier, j’aime autant tout faire et ne rien devoir. Voilà ce que je me dis quelques fois ».

mardi 15 février 2011

Cahiers de prisonnier – 15 février 1941

Samedi - « Ces pauvres francs-maçons (…) on leur tape dessus depuis la droite qui les accusent d’être révolutionnaires, depuis la gauche qui les accusent d’être les suppôts du capitalisme. Il y a au moins un des partis, gauche ou droite, qui est aveugle et qui tape sur des gens qui sont peur eux ».

lundi 14 février 2011

Cahiers de prisonnier – 14 février 1941

Vendredi - « D’abord on se fait à cette vie. Je ne dis pas qu’on l’accepte et puis, je veux être un homme fort sans autre soutien que moi-même et toi. On peut avoir des petits moments de dépression mais on se forge le caractère en les surmontant. Je veux sortir d’ici la tête haute ».

Outre ses cahiers de prisonniers, Frédéric Curie a laissé un autre cahier, commencé quelques mois après sa libération. Il est commandant de la 22e compagnie (Choisy-le-Roi) dont le PC est à Vitry. Intitulé « Cahier d’un exilé » et sous titré : « Commencé ce samedi 14 février 1942 à Vitry ». Un an après, il y expose sa vie libre dans des billets épisodiques.

« Le 14-2-42 – 17 h 50. Une chose m’a toujours frappée : l’éloignement d’un objet grand ou petit. Les deux feux d’une rame de métro qui s’enfonce dans le souterrain, l’arrivée d’un train qui fuit on ne sait où, une pierre qui quitte ma main et qui tombe (…) Il en est ainsi du 23 août 1940. Impossible de reprendre ma vie à cette date, impossible de ressouder les deux tronçons d’une vie cassée. Que s’est-il passé depuis ? à la fois beaucoup et peu de chose. Qu’y a-t-il entre la pierre et ma main ? Le 23 août j’étais dans la main, je suis aujourd’hui la pierre et je n’arrive pas à évaluer le chemin parcouru ».

dimanche 13 février 2011

Cahiers de prisonnier – 13 février 1941

Jeudi - « Je me suis amusé à dessiner Fernandel. Il suffisait de relier d’un trait de plume des points numérotés. Il faut que je ne sache plus quoi faire pour en arriver là. Nous avons soif de travail, mais nous en perdons le goût. Pour un vrai fainéant, c’est une vie idéale, on ne se la foule pas plus que les gardiens, c’est à dire qu’on n’attrape pas d’entorse. Cependant, il y a du travail dehors et les SP n’ont pas dû chômer cet hiver ».

samedi 12 février 2011

Cahiers de prisonnier – 12 février 1941

Mercredi - « Surtout, je te demande de ne pas mettre de cierge pour nous deux car s’il suffisait de cela pour nous faire sortir, le monde serait renversé. Conçois-tu un pays où chacun n’aurait qu’à mettre un cierge pour qu’il en soit fait à sa volonté (…) Ne crois pas surtout que dans ces mots, j’attaque la religion, au contraire, ce sont ces pratiques de païens qui la dégrade. Je te demande d’être forte à l’aide de toi seule sans le secours d’un être supposé. C’est dans des moments pareils qu’on juge des âmes bien trempées (…) »

vendredi 11 février 2011

Cahiers de prisonnier – 11 février 1941

Le mardi 11 février 1941, Frédéric Curie écrit à sa femme : « L’assurance que je ferai ma peine jusqu’au bout n’arrivera pas à me mettre à plat (…) pour moi, j’ai joué, j’ai perdu, je paie, c’est régulier. J’aurais dû penser que nous étions deux en jouant mais que veux-tu, il y avait une obligation morale qui m’a forcé à agir ainsi et je plains le pauvre type qui n’en aurait pas fait autant que moi en pareil cas ».

jeudi 10 février 2011

Cahiers de Prisonnier - 10 février 1941

Lundi 10 février 1941, Frédéric Curie écrit : "Par moment, il me semble qu'hier encore j'étais en liberté. J'ai cru longtemps que c'était "hier" qu'on m'avait arrêté mais le temps efface le souvenir de mes derniers jours d'homme libre (...) J'ai déjà fait 170 jours, ce n'est pas le bout du monde, j'en ferais encore bien autant et avec grand coeur si je savais que cela apporte une délivrance à la France".

Il revient sur l'invasion allemande de juin 1940. Il parle des officiers des sapeurs-pompiers de Paris : " Et si nous nous étions repliés ? Quel beau spectacle que de voir les officiers du régiment emmener leur famille avec eux pendant que des femmes de sapeurs seraient restées ici. Nous ne pouvions pas donner prise à la moindre critique".

Sur son action de résistance qui l'a conduit en prison, il note : "Je ne regrette pas ce que j'ai fait, il fallait que cela soit fait, mais j'enrage de m'être fait prendre ce qui me montre que je ne suis pas si malin que cela. Si j'avais été plus fin, je ne serais pas ici".

mercredi 9 février 2011

Cahiers de prisonnier - 9 février 1941

Le dimanche 9 février 1941, il y a tout juste 70 ans, Frédéric Curie commençait dans une cellule de de la prison de Fresnes, la troisième partie de son cahier de prisonnier. La page de garde mentionne : "Journal d'un prisonnier - Comédie en X partie - 3e partie"

Il y écrit : "171e jour de détention (...) Je n'ai pas peur de la souffrance, nous pourrons dire que nous avons payé comme les autres, comme ceux qui sont en Allemagne. Et on ne pourra pas me lancer à la figure que je n'ai pas eu ma part du fardeau et peut-être aurons-nous le bonheur d'être libéré par des Français. Nous avons été martyr et j'espère que cela nous servira"

mardi 1 février 2011

1er février 1934 - 1er février 2011


Le 1er février 1934 marque la date de l’intégration, il y a 77 ans, de Frédéric Curie au sein du Régiment des Sapeurs-Pompiers de Paris. Il a 27 ans pour quelques jours encore et intègre ce corps sur sa demande

Après avoir fait partie des troupes d’occupation des territoires rhénans en 1928-1929et avoir endossé pour quelques mois encore le costume d’instituteur, il entre, en 1930 à l’école militaire de l’infanterie et des chars de combat à Saint-Maixent, en sort sous-lieutenant. Ses chefs l’ont jugé : « Très zélé, très ardent, énergique, très sympathique, ayant beaucoup de cœur, de caractère franc et ouvert, capable de faire en temps de guerre un excellent chef de section. Très bon officier ».

Il est d’abord nommé au 46e RI puis au Régiment des Sapeurs-Pompiers de Paris.

Il passe par la caserne Drancy puis par la 10e, Château-Landon, non loin de la gare de l’Est. Très vite remarqué, il est chargé d’un stage de sous-officiers d’aviation à l’entrepôt de Saint-Cyr. Le colonel directeur de cette formation écrit au colonel commandant le Régiment de sapeurs-pompiers : « Au moment où se termine ce cours, j’ai un extrême plaisir à vous signaler combien l’action du lieutenant Curie a été profitable. Cet officier par ses connaissances techniques, son esprit militaire, son entrain et son activité, a su obtenir un maximum de rendement. En vous remerciant, mon colonel, d’avoir bien voulu détacher dans mon service le lieutenant Curie, je vous prie de lui exprimer toute ma reconnaissance pour le travail qu’il a fourni et tout le plaisir que j’ai eu personnellement à faire sa connaissance ».

Voilà comment débute la carrière de Frédéric Curie au sein de ce corps prestigieux. (En illustration, la photo des officier du Régiment en 1934).